Ce jour-là, avant même d’ouvrir
les yeux, j’ai médité sur l’infini, j’aime voyager en pensée dans toutes les
parties de mon corps. J’imagine chacune de mes cellules souriant aux autres et
je leur souhaite une journée exceptionnelle. Puis, toujours grâce au pouvoir de
l’imaginaire, je m’envole vers les étoiles, afin de leur souhaiter également
une journée remarquable; du plaisir à l’infini et tout cela absolument gratuitement.
Lorsque je suis en harmonie avec l’infini, je reviens sur terre. Avant d’ouvrir
les yeux, j’ordonne à mon cerveau : « Cher cerveau, aujourd’hui,
concentre-toi à te réjouir des beautés du monde, laisse le milieu où tu es
t’envahir de plaisir ». La chasse aux contentements est ouverte.
En observant la réflexion de mon
image dans le miroir de la salle de bain, je me suis arrêté quelques instants
pour m’admirer. J’ai constaté que mon cerveau exécutait ma demande de se
concentrer sur la beauté du monde; évidemment, cela débutait par ma propre
beauté. J’approuvais le message de ma conscience : « Développe
ta faculté à contempler la beauté du monde, en étant sensible à ta propre
splendeur. Admire-toi pour mieux t’extasier des richesses des autres, aime-toi
pour mieux adorer tes semblables, c’est ça le bonheur! »
À la sortie de l’immeuble où
j’habite, j’ai salué un des employés qui travaillent dans le local commercial
situé au rez-de-chaussée. Je les croise souvent sous le porche d’entrée. Depuis
l’interdiction de fumer dans les commerces, le portail est devenu leur fumoir.
C’est là, grâce à la force du groupe, qu’ils s’encouragent à raccourcir leur
vie cigarette après cigarette; probablement parce qu’ils sont malheureux. Afin
d’obtenir une réponse à cette supposition, j’ai demandé à un des employés qui
fumait en solitaire ce matin-là : « Bonjour, comment va ton bonheur
ce matin? » En regardant le ciel, il m’a fait comprendre qu’il lui serait
difficile d’être heureux aujourd’hui, car la pluie menaçait d’inonder la ville
d’une minute à l’autre.
Cela m’a bien fait rire; les gens
voient ce qu’ils veulent voir. Puisque j’avais ordonné à mon cerveau de ne
porter attention que sur la beauté du monde, je ne me laisserais pas influencer
par le premier venu tentant de me convaincre que je ne pourrais être heureux
aujourd’hui parce que la température n’était pas clémente. Au contraire,
j’apprécierais cette journée de pluie, car les averses ont l’avantage de créer
une ambiance zen, propice à l’introspection. Cette rencontre fut un
avertissement, aujourd’hui, je fuirais tous ceux qui n’ont pas développé la
capacité d’admirer la beauté du monde. En descendant la rue St Pierre, vers le
sud, je portai attention à la splendeur des édifices historiques sur cette rue
ancestrale. Quel privilège de vivre dans cette cité aux mille trésors!
Pourtant, tous les jours, à la
sortie du métro, j’ai observé les travailleurs déambuler sur la rue St Pierre,
café à la main, inconscients des merveilles qui les entouraient. Je ne
comprenais pas pourquoi la plupart d’entre eux marchent la tête basse. Il leur
suffirait de lever les yeux pour se réjouir des joyaux de l’impressionnante
architecture. Je m’interrogeais : « Sont-ils complètement
inconscients de ce privilège, ou est-ce la honte d’exercer un travail qu’il ne
leur convienne plus qui leur fait baisser la tête? »
Arrivé à mon café préféré
"Olive + Gourmando", au coin des rues St Pierre et St Paul, j’ai
demandé un jus d’orange frais et un croissant. Le commis m’a
répondu : « Six-quarante-neuf ». La dame qui attendait en
ligne juste derrière moi s’exclama : « Six-quarante-neuf, comme
à la loterie, vous devriez acheter un billet de loto. » Surpris par son
intervention, je lui répondis en souriant : « Madame, je vous
transmets avec plaisir mon jour de chance. Faites comme moi, commandez un jus
et un croissant et la somme sera de six et quarante-neuf. En passant, dites-le
à vos amies, elles aussi aimeraient gagner la loterie, pas vraie? » En voilà une autre qui souffre de
l’illusion que davantage d’argent la rendra assurément heureuse, ai-je pensé.
Je dégustais mon jus d’orange
comme si je n’en avais pas bu depuis très longtemps. J’imaginai tous les
efforts qui avaient dû être accomplis pour amener ce verre de jus d’orange
devant moi. Le propriétaire qui avait acheté le terrain pour la plantation,
tous les employés qui avaient cultivé la terre, le camionneur qui avait
transporté ces oranges de la Floride à Montréal. Le commerçant qui avait vendu
les oranges au propriétaire du café et la cafetière qui les avait pressées pour
moi. Je leur rendais hommage en dégustant lentement ce jus; une vraie caresse
pour l’estomac. Grâce aux efforts de tous ces gens, les vitamines des oranges
nourriraient mon bonheur pour les prochaines heures. Convaincu que le bonheur
débute avec une bonne alimentation, j’en ai fait une règle de vie.
L’employé avait raison, un
spectaculaire orage s’abattit sur Montréal quelques minutes plus tard. De
l’intérieur du café, j’observais les gens courir, plusieurs choisirent de se
réfugier au café. Je fis le contraire, j’en profitai pour sortir et aller
danser sous l’ondée. Quelle énergie! Quelle beauté! Quelle joie, cette pluie
qui vous lave l’esprit! Les bras ouverts en croix, je tournoyais, la tête en
arrière; m’abandonnant à la pluie chaude qui tambourinait sur mon front. Les
arbres s’agitaient sous la force du vent, on aurait dit des épouvantails
tentant de faire peur aux passants qui couraient la tête recouverte d’un
porte-document ou de leur veste. Il pleuvait avec une telle intensité que l’eau
déborda des gouttières qui n’avaient pas été conçues pour un orage d’une telle
force. Des chutes d’eau s’abattaient bruyamment sur les trottoirs. Les quelques
téméraires qui observaient le spectacle marchaient au centre de la rue pour ne
pas être submergés. Leurs parapluies n’avaient pu résister à la force du vent,
ils s’offraient à la pluie comme sous la douche. Ils se regardaient du coin de
l’œil, sans se parler, tout ébahit par la beauté du spectacle.
Bien que complètement détrempé,
j’éprouvais une joie intense, celle de jouir de l’instant présent. Je me
félicitai d’avoir choisi d’observer la beauté de la nature directement de la
rue. Cela me rappela mon enfance. Pendant les orages, j’aimais – avec mes
frères – enfiler à toute vitesse mon maillot de bain pour aller courir sous la
pluie, au grand désarroi de ma mère qui avait peur des éclairs et du tonnerre.
Quelques minutes plus tard, le
soleil avait repris son trône et régnait de nouveau sur la ville toute propre.
Les gens, stressés par le retard
provoqué par l’orage, émergeaient des restaurants, des boutiques, des cafés et
de partout où ils avaient trouvé un refuge temporaire. Tentant d’éviter les
flaques d’eau, cette fois-ci les passants baissaient la tête pour une bonne
raison. Détrempé de la tête aux pieds, je ne voulais pas quitter les lieux de
ce spectacle surréaliste. Assis sur le banc public devant le café, je me
réjouissais de la deuxième scène. Plusieurs passants aux cheveux mouillés par
la pluie renforçaient cette image de la sortie de douche. Je trouvai ce tableau
vraiment séduisant. « Merci chère nature de m’offrir toute une ville qui
sort de la douche. On perçoit ce que l’on veut bien voir, pas vrai? J’aurais pu
décider de maugréer sur la mauvaise température, mais au contraire, j’ai décidé
de jouer avec elle et de m’en réjouir. Lorsque le soleil a tout asséché, j’ai
abandonné mon observatoire; le temps d’aller travailler était arrivé.
Concentré devant mon ordinateur,
j’ai été attiré par des chants joyeux qui montaient de la cour intérieure.
Parfois, les employées des bureaux situés au rez-de-chaussée utilisent la cour
pour célébrer l’anniversaire d’un de leurs collègues. Curieux, je m’approchai
de la fenêtre. À ma grande surprise, j’aperçus quatre Mexicaines, accroupies au
sol. En chantant, elles s’activaient à enlever les mauvaises herbes entre les
pavés anciens de la cour. Charmé par leur attitude devant ce travail ingrat, je
me suis nourri de leur joie de vivre.
Quelle belle leçon de vie! À une
heure d’intervalle, dans le même immeuble, j’ai rencontré un professionnel bien
rémunéré qui ne pouvait se réjouir de la journée parce que la pluie allait
peut-être tomber; pendant que dans la cour arrière, des employées payées au
salaire minimum accomplissaient un travail ingrat en chantant. Quelle belle
leçon, le bonheur c’est dans la tête, n’est-ce pas? Chères Mexicaines, merci de
m’avoir offert la plus grande joie de ma journée. La beauté du monde, c’est
dans ma cour que je l’ai trouvée, en observant votre attitude et votre joie de
vivre.
Comme nous l’avons vu dans les
exemples précédents, le bonheur est une question de perception. En vous
entraînant à voir la beauté du monde, vous serez surpris de toutes les
occasions de vous réjouir qui vous seront offertes.
Toutefois, pour pouvoir observer
les beautés de notre planète, vous devrez préalablement développer un système
neuronal vous permettant de les voir. La beauté du monde débute dans votre
tête. Vos méditations matinales sont le meilleur moment pour choisir votre
"intention de la journée". Lorsque vous fixez une intention, c’est
comme lorsque vous enterez la destination sur votre GPS routier et qu’il vous
indique toutes les étapes à l’écran. Ces intentions sont les instructions de
votre GPS mental. Ce dernier, selon vos instructions, portera son attention sur
tout ce qui est beau et il se mettra au travail en vous indiquant où regarder
et comment prendre le temps de vous en réjouir. Plus vous porterez votre
attention à observer ce qui est beau, plus vous construirez votre système neuronal
vous permettant de mieux percevoir les beautés de demain. Au début, cela
demandera un effort de votre part. Toutefois, lorsque votre système se
développera, vous raffinerez votre système sensoriel de la beauté. N’oubliez
pas que nous vivons dans une culture de la peur et que vous avez été contaminé
à plusieurs niveaux. La capacité de voir la beauté du monde est également
inscrite dans notre code génétique, malheureusement nous avons été contaminés
de plusieurs virus anti-bonheur, dont celui de donner priorité à ce qui ne va
pas, au lieu de voir ce qui est beau. Redevenez l’enfant de sept ans qui
s’émerveille devant une fourmi.